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Du côté de Potosi et Sucre

Notre trajet en Bolivie nous amène à la ville de Potosi le 16 février. Potosi est mondialement connu pour son Cerro Rico (« montagne riche »). Découvert à la fin du 16ème siècle par les espagnols, celui-ci est une véritable montagne d’argent aux deux sens du terme. Les espagnols ont très vite exploité les filons d’argent qui serpentent dans la montagne à travers la construction de nombreuses mines. On raconte qu’aux alentours de 1650, Potosi était une des villes les plus grandes et les plus riches au monde ! L’argent coulait à flot et toutes les extravagances étaient possibles. Le minerai d’argent extrait du  cerro était fondu sur place et envoyé vers l’Europe via les ports du Chili ou de l’Argentine. La fortune de la couronne d’Espagne reposait alors beaucoup sur les ressources de Potosi. La légende veut qu’avec l’argent extrait du Cerro Rico on aurait pu construire un pont reliant Potosi à l’Espagne ! Les conditions de travail ont toujours été abominables dans les mines et certaines estimations parlent de près de 8 millions de morts en un peu moins de 500 ans... Là encore, la légende dit que l’on aurait pu faire un pont retour de l’Espagne à Potosi avec les os des esclaves morts dans les divers travaux liés à l’exploitation de l’argent ! Aujourd’hui, les mines sont encore exploitées et les conditions de travail restent plus que précaires.

 

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Le décor étant planté, vous comprendrez que la ville se caractérise par une histoire très riche et un corporatisme minier omniprésent. Potosi est construit sur les versants des montagnes environnant le Cerro Rico, il est bien difficile d’y circuler en van et encore plus de trouver un endroit pour bivouaquer... Après être passés dans diverses ruelles pavées étroites et pentues, nous finissons par trouver un lieu convenable.

 

Le centre-ville n’est pas très grand mais présente quelques ruelles et monuments sympatiques. Nous commençons par faire un rapide tour de l’architecture locale : églises, cathédrale, casa de la Moneda, mercado central... Nous profitons également de cette promenade pour réserver une visite des mines pour le lendemain. Nous passons par l’agence « Greengo » qui nous a été recommandée. Elle est tenue par un ancien mineur qui souhaite non seulement faire connaître le travail de la mine mais également tout le contexte social, économique et politique qui en découle.

 

Ce dernier point n’est pas anecdotique car nous sommes à quelques jours d’un referendum crucial en Bolivie pour savoir si l’actuel président (Evo Morales), au pouvoir depuis 10 ans, peut changer la constitution afin de rester 10 ans de plus à la tête de la Bolivie... Autant dire que les débats politiques vont bon train avec les partisans du « SI » et ceux du « NO » qui se battent à coup de tags sur tout matériaux solides disponibles : rochers, murs, poteaux, voitures, manteaux... Autant dans le sud de la Bolivie, il nous a semblé que le « SI » l’emportait, autant ici à Potosi, le « NO » est clairement plus marqué.

 

 

Le lendemain matin, rendez-vous à 9h pour visiter une des mines du Cerro Rico. Celles-ci sont encore en activité et potentiellement dangereuses. Impossible de s’y rendre seul et il est conseillé de bien choisir son guide. Le Cerro Rico appartient à l’Etat bolivien qui loue des concessions à des coopératives de mineurs. Une mine = une coopérative, il y en a 21 en tout. Julio notre guide nous semble être quelqu’un de confiance et il s’agit par ailleurs d’un activiste politique clairement engagé pour le « NO ».

 

Nous prenons donc la route vers la mine en commençant par une halte afin d’enfiler la tenue nécessaire. Nous avons l’air de zouaves dans ces vêtements datant d’un autre siècle... Mais ça met dans le contexte ! Ensuite, arrêt au marché proche des mines pour acheter quelques cadeaux aux mineurs que nous allons rencontrer. Ils nous laissent visiter leur lieu de travail, il est bien normal qu’en échange nous offrions quelques présents. D’autant plus que leur niveau de vie est très peu élevé et toute aide est la bienvenue. Nous achetons donc feuilles de coca, bouteilles de soda et... bâtons de dynamite ! Et oui, autant acheter utile, même si ça fait un peu bizarre de se balader dans la mine avec des bâtons de dynamite dans le sac !!!

 

Arrivés à la mine, nous sommes rapidement mis dans le bain car plusieurs chariots chargés de roches récemment extraites sortent à toute vitesse poussés par des mineurs en bout de course. La masse est telle que les wagonnets ne peuvent s’arrêter qu’en percutant d’autres chariots. Et comme l’entrée est très peu large et très peu haute, nous comprenons vite qu’il va falloir faire attention... Auria est très impressionnée par cette entrée en matière et commence à angoisser. Elle fait 50 m dans la mine et ressort car vraiment pas à l’aise. Je resterai avec elle dehors pendant que Youenn et Manu feront la visite.

 

L’intérieur de la mine est assez impressionnant : nous sommes à 4200 m d’altitude dans un tunnel principal d’environ 1,6 m de haut et de large inondé pour éviter la formation de poussière. Pas évident de bien respirer dans ces conditions, d’autant plus qu’il faut marcher courbé et vite pour passer avant les chariots susceptibles d’arriver droits sur nous. Julio notre guide et ancien mineur maîtrise parfaitement le fonctionnement de la mine et nous lui faisons entièrement confiance. Pendant 1h30, Manu et Youenn vont déambuler dans les différents tunnels, discuter avec des mineurs en plein travail et rencontrer « El Tio » le dieu des profondeurs. Ils iront même jusqu’à piocher et pelleter un peu pour éprouver la difficulté de ce travail dans les conditions de la mine. Youenn se débrouillera très bien et un des mineurs lui confiera que lui a commencé à la mine à l’âge de 13 ans... Bizarrement tout d’un coup l’histoire géo paraît beaucoup moins barbante à Youenn qui se fera une joie de retrouver les cours le lendemain matin !!! Le travail des mineurs est vraiment difficile et les références à Germinal ne sont pas usurpées...

 

Nous comprendrons notamment que les mineurs en veulent beaucoup à l’Etat bolivien qui est propriétaire du cerro et ne fait rien pour améliorer leurs conditions de travail, d’où le « No » massif au referendum dans la ville de Potosi...

 

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Après cette visite impressionnante mais également éprouvante, nous profitons de notre après-midi pour visiter le couvent de San Francisco, le plus ancien de la ville. La visite guidée est assez rapide et centrée sur des tableaux d’art religieux qui nous intéressent assez peu. En revanche le bâtiment est assez joli et nous finissons par l’ascension d’une tour qui surplombe le couvent. Elle offre une vue imprenable sur le Cerro Rico et la ville de Potosi : magnifique !

 

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Le lendemain, nous continuons notre découverte de la ville avec la visite de son monument emblématique, la casa de la Moneda. C’est dans ce bâtiment que l’argent extrait du Cerro Rico était transformé en monnaie. La visite est extrêmement intéressante et nous découvrons les différentes manières de frapper la monnaie au fil du temps. Initialement les pièces étaient réalisées en argent pur mais celui-ci étant un peu mou, les gens avait tendance à arracher des petits bouts des pièces au fur et à mesure pour en couler de nouvelles. Du coup les pièces rondes étaient progressivement grignotées et ne ressemblaient plus à de la monnaie ! C’est pourquoi l’argent pur a progressivement laissé la place à des alliages plus résistants.

 

La fabrication de la monnaie nécessitaient de fondre l’argent et de le rendre pur grâce à l’utilisation du mercure. Des esclaves étaient dédiés à cette tâche et leur espérance de vie n’excédait pas quelques mois. Le mercure les rendait progressivement aveugles, ils perdaient dents et cheveux avant de mourir... Des machines tirées par des ânes permettaient ensuite d’aplatir l’argent fondu en plaquette puis de découper les pièces qui finissaient par être frappées. Comme tout était fait manuellement, cela prenait un temps fou ! Plus tard différentes machines ont été inventées pour automatiser progressivement ce travail.

 

Une importante collection de pièces nous a également permis de découvrir les premières monnaies frappées suite à l’indépendance de la Bolivie (visage de Simon Bolivar) ou de l’Argentine. Dans ce bâtiment immense organisé pour partir du minerai brut et arriver à la pièce finalisée, cette collection prend une dimension historique très impressionnante. C’est ici que ces pièces ont été frappées !

 

La Casa de la Moneda présente enfin quelques tableaux célèbres de Bolivie comme « la Vierge au Cerro » et un portrait d’Antonio Lopes De Quiroga, un espagnol propriétaire de mine au 16ème siècle et considéré alors comme l’homme le plus riche du monde ! Autre particularité, une tête ressemblant Dionysos accrochée au-dessus de l’entrée du bâtiment. Œuvre d’un français, personne n’est capable avec certitude de lui attribuer une signification mais elle est devenue l’un des emblèmes de la ville.

 

 

Après cette escale dans le monde de la mine et de l’argent, nous prenons la route pour la plus belle ville de Bolivie : Sucre. La route serpente dans les montagnes du centre de la Bolivie et nous longeons des rios gonflés par les pluies des derniers jours. Et oui, le temps n’est pas exceptionnel à cette période en Bolivie... Les paysages sont parfois assez spectaculaires avec des surprises de temps en temps. C’est notamment le cas de ce pont piétonnier doté d’une architecture digne d’un château. Il marque le passage d’un département à un autre et enjambe un rio sur plusieurs centaines de mètres au milieu de nulle part !

 

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Nous avions eu du mal à trouver un lieu de bivouac sur Potosi mais sur Sucre pas de problème, nous nous installons dans une petite impasse pavée non loin du centre-ville. Après quelques courses, première soirée sous un énorme orage et nous restons tranquillement dans le van. Au matin suivant, le ciel s’est partiellement dégagé et nous partons faire un premier tour dans la ville. Les bâtiments coloniaux dotés de murs blancs donnent une teinte particulière à Sucre. Il est vraiment agréable de déambuler dans les rues et de découvrir les monuments au fil de notre cheminement. Les tenues vestimentaires et le mode de vie sont beaucoup plus européanisés ici et nous trouvons un peu plus nos repaires que dans les autres villes boliviennes. Il reste bien heureusement des marchés et des boliviennes en habit traditionnel !

 

 

Notre première visite a lieu sur la place principale, dans le bâtiment historique de la ville, le cabildo. Celui-ci a été transformé en musée de l’histoire de la Bolivie. L’inpendance bolivienne est grosso modo attribuée à deux hommes : le général Sucre (bolivien) et le révolutionnaire Simon Bolivar (vénézuelien). Le musée s’attache à retracer l’indépendance du pays à travers la vie de ces deux hommes. Il dispose de documents historiques originaux comme l’acte de l’indépendance conclu avec les espagnols dans la ville de Sucre. Le bâtiment est agréable et nous parcourons les différentes salles afin d’améliorer un peu notre connaissance de l’histoire du pays. Deux salles présentent les portraits de tous les présidents de l’histoire de la Bolivie (dont Evo Morales bien sûr !). Un buste géant de Simon Bolivar trône sur un promontoire de l’une de ces salles. Une autre pièce richement décorée servait d’assemblée à la Bolivie nouvellement indépendante et de grandes figures historiques de l’Amérique du Sud sont passées dans ces lieux chargés d’histoire.

 

 

Ensuite direction le parc Bolivar pour que Youenn et Auria puissent se défouler un peu. Cela fait quelques jours que nous visitons des villes et que le temps très instable les empêche de sortir dehors quand ils le souhaitent. Le parc est très sympa avec un secteur aménagé pour les enfants sous le thème des dinosaures. Quelques tours de toboggans diplodocus plus tard et nous allons voir une « réplique » de la Tour Eiffel qui trône au milieu du parc. Bon rien d’exceptionnel mais elle témoigne de la mode européenne qui a régné ici pendant assez longtemps. Nous continuons nos pérégrinations dans le marché central de Sucre. On trouve tous les fruits et légumes possibles. De la viande aussi, mais en l’absence de chaîne du froid, largement remplacée par des nuées de mouches, nous préférons nous abstenir !

 

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Petite visite du musée des arts indigènes. Interdit de prendre des photos, ce qui est bien dommage car il offre une collection de tissus brodés d’une finesse et d’une beauté incroyable. Nous en apprenons également un peu plus sur les coutumes des communautés locales en termes de vêtements, musique... Le musée est situé sur les hauts de la ville et à sa sortie nous trouvons un point de vue qui offre un panorama spectaculaire sur l’ensemble de Sucre.

 

Nous sommes samedi, et nous espérons bien quitter la ville le lendemain pour rejoindre le marché du village de Tarabucco réputé pour ses textiles traditionnels. Nous allons nous renseigner sur l’état des routes et l’ampleur du marché dominical au regard des élections qui ont lieu en ce dimanche 21 février. Et là surprise ! Non seulement nous apprenons que le marché n’aura pas lieu, mais on nous explique que les jours d’élection, seuls les véhicules autorisés ont le droit de circuler !!! Nous serons donc bloqués tout le dimanche sur Sucre...

 

Nous profitons de cet imprévu pour faire une grâce mat’ et un lavage complet du van. Petite balade dans le centre histoire de prendre connaissance de l’ambiance un jour d’élection en Bolivie. Et bien sans voiture, la ville est très calme et tout le monde en profite pour sortir les vélos ! Les lieux de vote sont ultra protégés avec des militaires un peu partout autour. Nous recroisons par hasard le couple de français déjà croisés à Lago Pozuelos et Tupiza. Echange d’impressions et d’anecdotes avant de retourner tranquillement finir la journée dans le van à planifier les jours suivants. En soirée nous apprendrons que le « NO » a gagné et qu’Evo Morales ne pourra donc pas prétendre à un nouveau mandat de 10 ans (au lieu de 5 ans prévus par la constitution). Quelque part heureusement sinon ça commençait à avoir l’air d’une dictature...

 

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Le lundi matin, nous pouvons enfin reprendre la route et sortons de Sucre en direction de Cochabamba. Nous ne savons pas trop à quoi ressemblera la route/piste mais bon... Petite escale en sortie de ville pour observer furtivement des empreintes de grands dinosaures visibles sur le front de taille d’une ancienne carrière. Difficile d’approcher car le lieu est fermé et gardé par un dinosaure géant ! Et route vers l’est pour de nouvelles aventures...

 

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Nous souhaitions terminer cet article avec une dédicace spéciale à Benjamin qui serait le roi du pétrole ici en Bolivie puisqu’il pourrait s’adonner à deux de ses activités favorites : le foot et la pêche.

 

La Bolivie dispose d’un sous-sol très riche exploité par des sociétés privées qui redonne bien peu à la population. Sauf... en terrains de foot. A la sortie de Sucre nous traversons pleins de petits hameaux distants d’environ un ou deux kilomètre chacun. Les ruelles sont en terre et défoncées, les maisons en adobe et proches de la ruine. Par contre chaque hameau a son terrain de foot synthétique tout neuf qui ferait pâlir tous les dirigeants de clubs de foot français. Payés par les grosses entreprises de mines ou de cimenteries locales, ils sont magnifiques. Par contre nous n’avons pas vu un joueur de foot sur ces terrains, au mieux ils étaient utilisés pour faire sécher des récoltes agricoles !

 

Et que dire de la pêche... Pas de « catch and release » ici, les méthodes sont visiblement plus directes et liées aux activités de la région. Enfin ça change puisqu’à présent la pêche à la dynamite semble interdite !!! Déformation professionnelle des mineurs du coin j’imagine !

 

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05/03/2016
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